Que ne ferait-on pas par amour propre ? En 1893, les dirigeants du Club Alpino Italiano ont aplani sans la moindre hésitation l’obélisque rocheux de la pointe Gnifetti, l’un des sommets du mont Rose, pour y édifier un refuge. C’était une question d’amour-propre : il fallait battre le record de la France, qui abritait alors l’édifice le plus haut perché d’Europe, érigé quelques années auparavant sur une crête du mont Blanc, à 4350 m d’altitude. Plus de cent ans après, la Capanna Marguerita, perchée à 4554 m, détient toujours le record. Et c’est au terme d’une longue excursion dans les montagnes alpines que vous la découvrirez et profiterez de la vue qu’elle offre, absolument unique. Le refuge s’appelle ainsi en l’honneur de la reine d’Italie de l’époque, qui vint en chaise à porteurs, avec son caniche, assister à l’inauguration. Et s’il est toujours possible de s’y rendre de cette manière (à condition de trouver les porteurs !), c’est une expédition qu’on fait le plus souvent à pied. Et c’est là le meilleur moyen, car l’on peut ainsi profiter en route des sublimes panoramas alpins. Pour se rendre sur le toit de l’Europe, en partant du bourg d’Alagna Valsesia, il faut compter deux jours de marche ardue. Ce n’est pas à la portée de tout le monde, et il faut être accompagné d’un guide de montagne. Mais de là-haut, par temps clair, on découvre un panorama allant des Alpes-Maritimes à l’Oberland bernois et aux Dolomites. Une vue inoubliable ! Imaginez donc la scène. Le mont Rose compte 29 cimes de plus de 4000 m : la plus haute, la pointe Dufour, culmine à 4634 m. C’est le massif le plus étendu des Alpes, et sa paroi orientale est la seule, en Europe, de stature himalayenne. Pour l’admirer, l’itinéraire de trekking qui a été aménagé est parmi les plus intéressants, les plus variés et les plus fascinants de tout l’arc alpin. Il s’étend sur 190 km, en traversant six vallées : quatre se trouvent en territoire italien (la Valsesia et la vallée d’Anzasca au Piémont, la vallée du Lys et le val d’Ayas dans le Val d’Aoste) et deux sur le versant suisse (le Saastal et le Mattertal). Et bien que la localité suisse de Zermatt constitue le point de départ et d’arrivée idéal, le parcours circulaire permet de partir de n’importe quelle vallée. Scindé en neuf étapes, il traverse le glacier du Théodule, en Suisse (à 3317 m), et d’immenses prairies parsemées de lacs à l’eau cristalline. Mais il permet surtout de découvrir des paysages de toute beauté et une extraordinaire richesse de la flore et de la faune alpines : en chemin, vous croiserez des chevreuils, des bouquetins, des chamois, des marmottes et des renards roux. Il est probable que sur le retour, en redescendant vers la vallée et la ville, vous vous sentiez un peu plus Heidi que citadin !