Ces trois documents de travail INET analysent l’émergence progressive de l’Union européenne et de ses systèmes monétaires au cours des premières années de l’introduction de l’euro. Leur point de départ est le rôle crucial que joue l’oligopole dans l’évolution des économies capitalistes modernes et l’influence dominante du principe de demande effective dans la dynamique de ces systèmes.
Ces facteurs, cependant, ne peuvent être compris indépendamment des conditions institutionnelles et politiques spécifiques, non seulement en ce qui concerne les politiques budgétaires et monétaires, mais surtout en relation avec le contexte des relations internationales régnant au cours d’une période donnée. Des arrangements qui auraient été conceptuellement et politiquement presque impensables avant 1945 sont devenus les principaux piliers de la reprise en Europe occidentale entreprise sous l’égide des États-Unis: le plan Marshall, la création de l’Union européenne des paiements et la conférence de Londres de 1953 à la réduction drastique de la dette allemande. Dans chacun d’eux, le facteur externe, c’est-à-dire les positions de balance des paiements des pays concernés, a occupé le devant de la scène. La question de la balance des paiements résume la question de la demande effective, car pour pratiquement tous les pays d’Europe occidentale, y compris la République fédérale d’Allemagne, surmonter la contrainte extérieure en obtenant une tranche de demande extérieure est devenu la condition nécessaire à l’expansion des investissements dans la économie domestique.
Le premier de cette série de documents de travail sur l’économie politique de l’Europe souligne les différences entre les caractéristiques d’avant-guerre et les caractéristiques immédiates des économies européennes. Le document analyse ensuite la marginalisation de la Grande-Bretagne à travers la contrainte de la balance des paiements et le recentrage des États-Unis sur l’Allemagne, notamment à travers les actions de John McCloy, dont les entreprises ont été jugées les plus aptes à créer des synergies avec les filiales européennes de multinationales américaines dans un alliance oligopolistique de facto. L’essai soutient que la stratégie américaine envers l’Allemagne de l’Ouest exigeait une politique particulière envers les intérêts impériaux de la France, incarnée par le financement américain des dépenses de la France dans la guerre d’Indochine. En raison de sa détermination à conserver son statut de grande puissance, la France est devenue le principal facteur d’instabilité en Europe occidentale tout au long des années cinquante et au début des années soixante.
Avec le retour à la convertibilité des monnaies en 1959, la balance des paiements de chaque pays est devenue primordiale. Comme indiqué dans le deuxième document, le cadre politique en vigueur en Europe excluait d’aborder la question en termes de l’Union européenne des paiements qui vient d’être dissoute. Il s’agit d’une création du plan Marshall qui a beaucoup aidé à atténuer les contraintes de balance des paiements, notamment en ce qui concerne le déficit des pays européens avec la République fédérale d’Allemagne. Ainsi, l’Europe occidentale dans son ensemble, au lieu d’avancer vers une gestion de type keynésien des soldes extérieurs, a reculé, les pays respectifs prenant des positions non coopératives sur la question.
Les politiques stop-go que les pays d’Europe occidentale ont mises en œuvre dans les années 60 étaient en fait une forme de politique de mendiant auprès de leurs voisins dans le cadre d’un régime de change fixe. Lorsque le long boom s’est terminé, pour des raisons liées à la guerre du Vietnam et au système monétaire international, l’absence d’un système institutionnel capable de gouverner à la fois le dollar américain et les fluctuations internes des monnaies européennes a accentué les conflits sur la position extérieure de chaque pays. Fin 1978, le Système monétaire européen (SME) a été fondé pour protéger et sécuriser la position extérieure de la République fédérale d’Allemagne contre ceux qui ont opté pour des dévaluations compétitives, en particulier l’Italie.
Le troisième et dernier essai couvre la période qui s’étend sur une quarantaine d’années depuis la formation du SME jusqu’au lendemain de la crise financière de 2008. L’EMS, que la Bundesbank n’imaginait pas tout à fait, s’est avéré être un excellent arrangement pour la protection de la position extérieure de l’Allemagne, qui avait cessé d’être la locomotive de l’Europe dès les années 1970. En induisant de réelles réévaluations de monnaies telles que la lire italienne et en renforçant l’évent du D-Mark apporté par les élites économiques et institutionnelles françaises, le SME a préparé le terrain pour la création formelle d’une Europe austère. En vérité, les idées de politique déflationniste ont toujours été présentes aux plus hauts niveaux de direction de nombreux pays européens. Le cas peut-être le plus significatif, minutieusement analysé par Alain Parguez dans son article de 20161, est celui de la France.
Au cours des années 80, trois grandes étapes supplémentaires ont contribué à consacrer l’austérité en tant que forme institutionnelle d’élaboration des politiques en «Europe». L’Italie puis la France ont officiellement rompu le lien entre leurs trésors respectifs et leurs banques centrales, introduisant le principe selon lequel les obligations d’État doivent être financées par les marchés financiers. Par ailleurs, le gouvernement socialiste français a fait de la désinflation compétitive le principal axe de ses politiques économiques. Tout cela s’est produit avant le traité de Maastricht et avant la création de l’UEM. Le document analyse ensuite les vicissitudes menant de manière très contradictoire et conflictuelle à la formation de l’Union monétaire européenne en 1999. Les deux aspects les plus importants de la période allant de 1999 à après la crise de 2008 sont le déclin final de l’Italie , 2 dont les racines remontent au moins au début des années 80, lorsque, sous le SME, l’Italie a accumulé une dette publique importante, principalement en raison des taux d’intérêt élevés, et de la formation d’une zone économique dirigée par l’Allemagne affichant une forte traction vers l’Est, vers la Chine en particulier. Certaines des implications structurelles de ce domaine pour l’avenir de l’Europe sont également discutées.
1 Parguez, Alain: Théories économiques de l’ordre social et origines de l’euro », Journal international d’économie politique, volume 45, n ° 1, 2016, p. 2-16.
2 Storm, Servaas: Lost in deflation: Why Italy’s Woes are a Warning to the Whole Eurozone », document de travail n ° 94 de l’Institut pour une nouvelle réflexion économique, 2019, Wp 94 Storm Italy
À la fin du long boom, pour des raisons liées à la guerre du Vietnam et au système monétaire international,
Aucune mention du triplement du prix du pétrole? Cela a eu pour effet d’augmenter à la fois les coûts et les prix.
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